Dr Lamy Stanislas


Le docteur Stanislas Lamy et l’histoire de la transplantation rénale au Luxembourg

 

Le Dr Lamy nous a laissés, il y a quelques jours, après une fin de parcours ardue, qu’il a attaquée avec lucidité, endurance, humilité, soutenu par sa famille dont surtout sa fille Ingrid. Un grand nombre de patients, et de très nombreuses personnes savent que le Dr Lamy est le chirurgien pionnier de la transplantation au Luxembourg.

C’était fin 1976 que le Centre Hospitalier de Luxembourg, hôpital flamboyant neuf ouvrait ses portes et que l’équipe médicale nouvellement recrutée commençait ses activités.

L’année suivante trois de ses médecins, le Dr. Henri Kuntziger interniste-néphrologue venant du service de nephrology de l’hôpital Necker de Paris, le Dr. Stanislas Lamy chirurgien et urologue avec une formation en transplantation à l’université de Tulane aux USA et le Dr. François Hentges interniste avec formation de laboratoire en immunologie à l’Inselspital de Berne sont partis pour l’hôpital universitaire de Leiden au Pays Bas. Ils avaient comme objectif de devenir membre d’Eurotransplant, organisation international de transplantation d’organes. Jusqu’à cette date les patients luxembourgeois insuffisants rénaux avaient tous été transplantés à l’étranger, souvent en Belgique avec des reins donnés via Eurotransplant. Une idée motrice du projet était de corriger la dette que le Luxembourg avait en matière de dons d’organe envers la communité d’Eurotransplant.

Après un arrêt chez le Professeur Alexandre à l’Hôpital Saint Luc à Bruxelles, chirurgien qui très souvent prenait en charge les patients luxembourgeois, nous continuions notre périple vers Leiden siege d’Eurotransplant. Nous fûmes accueillis par Dr. Guido Persijn qui nous faisait un exposé très exclusive sur l’effet positif de la transfusion sanguine sur la survie des greffons rénaux chez le singe rhésus. Après avoir discuté notre projet avec Bernard Cohen le directeur administratif d’Eurotransplant il fût convenu que nous allions commencer avec des prélèvements de reins avant de progresser vers des transplantations rénales. On nous donna la promesse qu’Eurotransplant allait nous envoyer dans les jours suivants un set de «sérums pour typisation d’organe», nécessaire pour obtenir une caractérisation comparable des antigènes de transplantation entre donneurs et receveurs d’organe.

Ceci était un prérequis absolu afin de pouvoir faire parvenir aux receveurs potentiels, inscrits sur les listes d’attente des centres de transplantation, les organes donnés les plus compatibles. A l’époque faisaien partie d’Eurotransplant: les Pays-Bas, la Belgique, l’Allemagne et l’Autriche. Contents de ce qui avait été convenu, nous prenions le chemin de retour vers Bruxelles, pour emprunter ensuite la vieille route nationale passant par Marche et Bastogne, l’autoroute Bruxelles –Luxembourg était encore à construire. Les anesthésistes et réanimateurs étaient très rapides à mettre au point leurs protocoles peropératoires de prélèvement et de transplantation. Ensemble avec les neurologues les neurochirurgiens, le légiste conseiller de gouvernement du ministère de la Santé  et en prenant appui sur les textes légaux qui existaient dans certains de nos pays voisins, les critères de mort cérébrale à appliquer lors du don d’organe furent définis. Le 30 mars 1977 le premier don de reins eut lieu à Luxembourg, toutes les procédures étaient appliquées sans faille et le 4 avril les procedures de prélèvement de reins de deux donneurs eurent lieu le même jour.

En 1980 la première transplantation rénale intrafamiliale fut effectuée par le Dr. Lamy et en 1982 il transplanta le premier rein d’un donneur non-apparenté. Le rein était transplanté après 40 heures d’ischémie froide car il venait de New York, il avait trois artères rénales sur un long patch mais fonctionnait parfaitement. Grâce au support administratif et politique actif du ministère de la Santé, le cadre légal et réglementaire a été mis en place. En novembre 1982, la loi définissant le prélèvement de substances d’origine humaine était votée par la Chambre des Députés et en août 1983 un règlement

Grand-ducal arrêtait les critères de mort cérébrale. Entretemps Luxembourg-Transplant a.s.b.l., regroupanttous les acteurs nationaux impliqués dans le don et la transplantation d’organe avait été fondé. Les années suivantes furent marquées par des progrès permanents en matière de transplantation. En 1985 ce fut la venue de la Ciclosporine A immunosuppresseur puissant, puis en 1987-1988 le développement des procedures dons d’organes multiples, puis de nouveaux critères d’allocation des reins pour pondérer l’attribution des organes donnés furent introduits. Du côté immunogénétique la procédure des «acceptable-mismatches», les méthodes de typisation au niveau DNA, la nécessité d’une accréditation auprès de la Fédération Européenne d’Immunogénétique ont toutes été des améliorations. Puis la création des fonctions de coordinateurs de transplantation était encore un progrès significatif, sans eux la réalisation de procédures d’organe multiples aurait été non praticable.

En 1988 le Dr. Henri Kuntziger pionnier de la première heurequitta le CHL pour Paris où il mourut inopinément l’année suivante. Avec l’équipe en place et de nouveaux confrères, les activités de don d’organe et de transplantation rénale continuaient. Le Dr Lamy reprit la charge de président de Luxembourg transplant. Comme précédemment il continuait ses activités de transplanteur en sus de ses activités de chirurgien urologue. Il fallait le support et l’engagement de beaucoup de personnes pour faire fonctionner des activités de transplantation, mais de toutes les personnes impliquées,le Dr. Lamy était le seul don’t l’activité était requise lors de toutes les procédures de transplantation ou de don d’organe. Excellent chirurgien, infatigable, dévoué envers ses patients, efficace, humble, sans faille et ne comptant pas les heures, les nuits blanches, les décennies d’engagement. Les années étaient remplies d’activités sur place mais aussi de temps investi dans de multiples formations, de participation à des congrès et conférences de transplantation, d’Eurotransplant, ou de la Fédération Européenne d’Immunogénétique.

Toutes ces activités ont conduit à un important transfert de connaissances cliniques et scientifiques en matière de transplantation. Entretemps la Slovénie, la Croatie, la Hongrie sont venus rejoindre Eurotransplant. En même temps et sans qu’on s’en rende compte, les priorités médicales, les diktats managériaux, les affinités chirurgicales les intérêts politiques ont évolué. Au niveau national certains développements en matière de transplantation étaient positifs, d’autres decisions étaient du moins à posteriori moins réussies et d’autres n’ont simplement pas été prises. Ainsi quand en 2009 le Dr Lamy a diminué puis arrêté ses activités de chirurgien transplanteur, la relève active n’a pas été assurée. De toute évidence on ne peut pas remplacer un chirurgien comme le Dr. Lamy et certainement on ne peut pas le remplacer un par un.

En conséquence les patients en attente d’organe ont de nouveau été inscrits sur les listes de transplantation de nos pays voisins et transplantés grâce à leurs chirurgiens, d’un autre côté les dons d’organe ont été pris en charge par les confrères chirurgiens de Bruxelles. Finalement en 2017 l’accréditation auprès de la Fédération Européenne d’Immunogénétique n’a plus été renouvelée.

Luxembourg-Transplant qui regroupe une équipe motivée de néphrologues, d’anesthésistes-réanimateurs de chirurgiens intéressés et de coordinateurs de transplantation actifs et engagés est toujours opérationnel. En effet Luxembourg-Transplant est actuellement mieux mandaté du point de vue national et européen mais malheureusement pas mieux doté. En conséquence après 30 années d’activité de transplantation, le Luxembourg a de nouveau perdu son autonomie et nos patients se déplacent de nouveau dans nos pays voisins pour se faire transplanter. Quand on compare le nombre actuel toujours croissantde résidents au Luxembourg et peut être aussi le nombre de frontaliers qui complètent notre force économique, aux 350.000 résidents que le Grand-Duché comptait au début de l’époque de la transplantation on doit se poser certaines questions.

La prise en charge très réussie de la pandémie Covid-19 le montre, le Luxembourg a les compétences pour résoudre des situations incomparablement plus complexes du moment qu’il y a une volonté politique intelligente.

Débloquer la situation actuelle non satisfaisante en matière de transplantation serait un hommage au Dr.Stanislas Lamy qui restera de toute évidence le chirurgien pionnier de la transplantation au Luxembourg mais ce serait surtout un bénéfice pour les patients en attente de transplantation d’organe.

Dr. François Hentges, Médecin coopérant au Service national d’immunologie-allergologie,

Membre fondateur de Luxembourg-Transplant

Président de la Société luxembourgeoise d’allergologie-immunologie